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| موضوع: Odeur de femme et de diable الثلاثاء أغسطس 14, 2018 5:12 am | |
| Odeur de femme et de diable Mustapha KOUARA (Maroc)
Un jour, tu m’as demandé comment il se faisait que je m’abstenais de consacrer mes besoins à l’odeur de femme, chaque fois que s’aiguisait le désir par manque du corps féminin. Je croyais que tout le problème pour toi était de savoir dans quelle mesure je te restais fidèle. Pourtant, l’envie sexuelle était bien loin de s’emparer de ma pensée. Tu n’admettais pas la véracité de mes propos, et tu continuais à me harceler obstinément en rabâchant la même question. Ah ! si tu pouvais imaginer la triste épreuve que j’endurais dans ce "bled" tout à fait au nord, entre une salle de classe et la plus proche localité urbaine qui se trouvait à deux heures de marche ; encore fallait-il que les pieds fussent bien chaussés ou bottés. Là au moins on pouvait boire à discrétion de l’eau potable et utiliser pour l’éclairage de l’électricité. Comme moi, les enfants de moins de dix ans parcouraient le chemin fatidique et ennuyeux en été sous la chaleur torride et en hiver sous la pluie torrentielle. Tout tremblants et tout mouillés comme un oiseau sans abri, ils arrivèrent en classe après avoir pris les sentiers montagneux les plus tortueux et les plus ardus. Mon sort au moins était meilleur puisque je pouvais rester sur place en contemplant le temps qui changeait. D’ailleurs, je ne quittais le lieu où j’étais que pendant les vacances prévues officiellement dans le calendrier ou décidées occasionnellement. Je me réjouissais comme ces enfants à l’annonce imprévisible des vacances par les hautes instances administratives. Au fond de ce rectangle en ciment, j’ai choisi un petit coin pour ma retraite. Du papier en carton provenant des caissons d’huile et de sucre rassemblés par-ci et par-là servait de cloison me séparant des tables du fond, branlantes et vermoulues. Mon lit ne supportait pas la fébrilité de mes mouvements. Quand j’avais des rêves tellement affreux qu’ils devenaient nauséeux, un monticule de restes des pièces de bois s’élevait au-dessus de la terre. Dix années déjà s’étaient écoulées sans que rien n’eût changé ! Devant moi, s’érigeait ma bibliothèque de roseau dont les étagères supportaient à peine le peu de livres que j’étais parvenu à garder. Ils étaient mes compagnons d’une longue marche entreprise dans le dessein de préparer le baccalauréat. Espoir de tout instituteur ! Bouée de sauvetage qui permettrait de sortir du terrible isolement ! Tu reviens pour t’enquérir une nouvelle fois de mon triste sort. Au moment où la nuit tombante se gâtait, au moment où je me mettais dans mon lit, je n’entendais que les aboiements de chiens ou le bruissement des feuilles d’arbres. Si j’ai bien en possession tous les artifices narratifs, je t’aurai raconté des choses à la mesure de mes souffrances dans ma solitude. Sais-tu que le silence a, dans la mélancolie du solitaire, la résonance d’un écho? Monsieur le directeur de l’école déclarait que nous étions de braves soldats dans l’ombre et que nous ouvrions sans tambour ni trompette, pour le bien de la nation et par amour de Dieu. Il tenait ces propos de monsieur l’inspecteur qui lui-même les tenait de son excellence monsieur le ministre. Nous avons vraiment ri de ce chef d’établissement qui, à son tour, avait fait autant de monsieur l’inspecteur. Quant au ministre, je ne te dirais pas ! Il était convenu à l’unanimité qu’il se mettait en boîte lui-même en lisant son discours à l’ouverture de chaque saison scolaire. Puis-je te dire que le diable avait le cœur bon, coeur qu’il avait sur les lèvres, plus que n’avait le bon homme ? Il me tenait compagnie pendant le sommeil comme à l’éveil. Il me tentait, m’incitant à l’onanisme afin que je puisse me débarrasser de cette charge calcifiante. Au fond de moi-même, cela me dégoûtait de recueillir dans ma propre main la flasque sève du plaisir. Le diable bienveillant tenait absolument à me faire miroiter les vagues ondoyantes d’un corps et s’infiltrait dans ma « chambre », à la faveur de mon assoupissement alors que j’avais déjà mis ma tête sur l’oreiller. Il m’emportait dans un monde merveilleux et me jetait dans les bras d’une vénusté. J’étais alors dans une autre chambre luxueusement meublée. Qui dit que l’inconscient est le royaume de l’illusion dit un mensonge. L’allumette récalcitrante se refusait à prendre feu ; elle ne semblait faire qu’à sa tête humectée et froide. Le noir reculait devant la lueur de la bougie dont la flamme faisait songer à la pointe dorée d’une hallebarde. Je savais où je pouvais trouver le petit coin, mais je ne pouvais sortir par ce temps pluvieux. Je me souviens encore de ce qu’avaient enduré les habitants de la bourgade en prise avec leurs besoins quotidiens. A côté de chaque maison en pisé était creusée une fosse en guise de réceptacle des eaux résiduelles et matières fécales. Dès qu’une fosse était remplie on devait songer déjà à en creuser une autre. Je disais, non sans une pointe d’ironie, à un parent d’élève : - j’imagine le village une sorte de plaque sur un volcan d’ordures. Il déliait sa langue et partait en injures contre le makhzen et contre les élus : - Ils invoquent, supplient en faisant de fausses promesses pour avoir nos voix. Dès qu’ils les ont, ils se prennent pour les bons dieux pharaoniens. J’ai pris quelques feuilles de vieux cahiers ; je ne pouvais sortir. Mes besoins faits, je retournais au lit pour le reste de la nuit.
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